• La gifle

    J’ai rencontré Élise, il y a quasiment deux ans pendant le festival d’Avignon.

    C’est son copain qui me l’a présentée.
    Je me suis tout de suite bien entendue avec elle.
    Au bout d’un an, ils décident de partir vivre à Paris.
    Deux semaines après leur déménagement, ils reviennent quelques jours pour rendre les clés, faire l’état des lieux et rester quelques jours en ville.
    Je leur propose de rester à la maison pendant leur séjour.
    Ça tombe bien, mon chéri n’étant pas là, cela me fera de la compagnie.
    On se retrouve tous les trois à une terrasse pour profiter du beau temps.
    Nos verres finis, direction l’appartement.
    Il nous dit qu’il prend la voiture pour la garer dans un parking, il en a pour dix minutes…
    Élise et moi continuons  le chemin à pied.

    A la maison, elle et moi papotons, au bout d’une heure je lui demande :
    - Mais il est où ?
    - Ben, c’est ce que je t’ai dit, il est avec sa maitresse.
    - Hein ! Mais je pensais que c’était une blague ! Tu me l’as dit comme si de rien n’était.
    - Tu n’as pas vu qu’il était collé à son téléphone.
    - Si mais sans plus.

     D’un coup, toutes ses confidences depuis un an me sont revenues en tête, j’ai réalisé qu’il y avait un vrai problème dans leur couple.
    Cette fille si douce était en souffrance.
    Intérieurement, je me suis demandée si je devais continuer ou pas cette discussion.
    Ce n’est pas facile de se mêler de la vie des autres.

    Et puis mince, je me lance… que dis-je j’attaque !
    -Élise, tu la vis comment cette situation ?
    -Mal, très mal, il me fait souffrir.
    -Désolée, c’est vrai qu’avec le recul je ne t’ai jamais écouté mais tu en parles avec tellement de détachement que je pensais qu’au final c’était le mode de fonctionnement de votre couple.
    Je ne l’ai jamais vu pleurer, crier… Aucuns signes de détresse.
    -Elise, tu parles sans ressentis. T’as plus d’affecte quand tu parles de ton couple.

    C’est là qu’elle me raconte ses un an et demi de souffrance, elle a eu droit à tous les délires malsains d’un connard ou d’un pervers narcissique.
    Elle a parlé pendant trois heures.
    Trois heures d’horreur. 

     Elle termine, je  lui demande :
    - Il te frappe ? (je peux vous dire que ce n’est vraiment pas facile de poser cette question)
    - Non, juste des claques mais parce que je m’énerve et lui tiens fort le bras pour qu’il arrête de me descendre.
    - Donc il te frappe.
    - Non, non…

    Son regard fuyant me fait comprendre qu’il faut que j’arrête là.
    Nous sommes parties dormir.
    Ce soir là, il est rentré à trois heures du matin.

    Le lendemain, je me force à lui parler et même à le regarder dans les yeux.
    La journée se passe, eux ensemble à faire leur vie et moi chez moi. 

    Le soir arrive, ils décident de faire à manger, faut savoir que je ne leur ai quasiment pas adressé la parole de la journée, j’avais envie de lui cracher dessus.
    Je prétexte une journée fatigante et pars me coucher vers 21 heures.
    Je me cale dans mon lit, la petite fait dodo dans le sien, je surfe sur le net.

    D’un coup, j’entends une dispute éclater :
    Des cris,
    Une claque !
    Une autre !
    Je bondis de mon lit,
    Une troisième !
    Je suis dans la cuisine
    - Elle m’a frappé !
    - Oui mais c’est elle qui a les joues rouges.
    - Oui mais elle…
    - Toi, tu sors de chez moi et toi, tu restes ici.

    Il prend la direction de la porte, regarde si Élise le suit, je lui interdis de bouger de sa place, il retourne la voir, colle sa tête à la sienne et lui hurle : « TU VIENS MAINTENANT SINON TU NE ME REVERRAS PLUS JAMAIS !!! »

    Je lui faisais un signe négatif de la main.
    - Je te vois !

    J’ai flippé, ma fille qui dormait à coté, je sors mon téléphone et ouvre grand la porte d’entrée pour appeler au secours les voisins au cas où.

    Il lui hurle encore dessus, elle était rouge de tout, de honte, de peur, de douleur, lui redemande de la suivre, elle dit non de la tête.
    Dans un élan, il lui fout une baffe d’une extrême violence.

    Self-control, je pense à la petite, j’ai peur que ça dégénère.
    Prête à tout pour nous défendre, tous les ustensiles de la cuisine me passèrent dans la tête, couteaux, poêles…

    Il sort.
    Nous insulte, vocifère, rentre dans un délire dégoutant : « vous faites ça pour être tranquilles et vous bouffer la chatte ».
    Je ferme la porte à double tour.
    Soupir de soulagement.
    Il sonne à l’interphone, l’appelle dix fois de suite, il a oublié son chargeur, je lui jette par la fenêtre.
    C’est le silence, je ferme les yeux, la petite dort, le calme est revenu.
    Je suis vide et horrifiée.

    On s’installe dans la cuisine, je lui demande de tout me dire. De ne plus se cacher.
    C’était pire que la veille.
    Je lui propose de rester chez moi, de ne plus le contacter et surtout de ne pas le faire renter dans ma maison sinon elle repartait avec lui.

    Pendant quatre jours, elle s’est confiée à moi…
    De mon coté, je l’écoutais, la conseillais et surtout lui disais qu’il fallait qu’elle retourne ses chez parents histoire de se reconstruire.

    La veille de son départ pour sa ville natale, je voulais lui donner mes derniers conseils pour être sûre qu’elle ne retourne pas avec lui.
    Je voulais une conclusion qui marque, qui choque.
    Pourquoi ne pas lui dire la vérité, ça me coute parce que c’est mon secret à moi, je n’aime pas trop en parler.

    Et puis zut, je me suis confiée à mon tour.
    - Tu sais Élise, quand j’avais cinq ans ma tante est morte assassinée.
    Elle voulait quitter son mari parce qu’il l’a maltraité.
    En représailles,  il a payé quelqu’un pour la faire tuer, cette personne l’a battu à mort, elle se trouvait dans son restaurant.

    En sortant du lycée, sa fille lui a rendu visite, Elle a voulu la défendre, il l’a battu à mort aussi.
    Il a allumé le gaz pour les finir.

     

     

    Au premier coup, il faut partir.
    Au deuxième, braver la honte et se confier.
    Au troisième, penser à la fin de mon histoire.

     

     

    La gifle

     

    « Voilà, c'est fini.La chique et le Kiri »

  • Commentaires

    4
    Lundi 23 Juin 2014 à 19:42

    C'est clair...

    3
    Lundi 23 Juin 2014 à 11:07

    Superbe billet ... Le sujet l'est beaucoup moins ...

    2
    Lundi 23 Juin 2014 à 10:15

    Je te remercie.

    C'est vrai qu'on ne se rend pas compte de la réalité mais beaucoup de femmes subissent se calvaire. Et oui, cela peut aller très loin.

    je t'assure que sur le coup, je me suis vraiment demandée ce que je faisais mais je ne me voyais pas la laisser partir seule avec lui dans une ville sans amis ou vie sociale.

     

    1
    Lundi 23 Juin 2014 à 09:29
    Fred UneSourisBleue
    On imagine toujours que ça n'arrive qu'aux autres mais quand c'est à quelqu'un de proche ce doit être bien dur ! Bravo pour ton récit qui rend les choses plus réelles ...
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